Dans les entrailles du Cayambe

  • Publié le 24 janv. 2024 (Mis à jour le 13 avr. 2025)
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Médialo

Le faible faisceau de ma lampe frontale me rappelle que je ne suis pas en train de dormir. Il y a à peine plus de deux heures, le chef d’expédition nous a réveillés pour casser la croûte avant d’entreprendre l’ascension. Déjeuner à minuit alors que mon souper est encore en digestion, c’est une première pour moi. Mais il faut ce qu’il faut pour faire le plein d’énergie et, idéalement, atteindre ce sommet de près de 5 800 mètres! Un litre d’eau avalé en vitesse pour contrer le plus possible le mal des montagnes et c’était un départ.
Je distingue à peine la jeune guide équatorienne, à la silhouette longi-ligne, devant moi. Seule la corde d’escalade bleue qui me rattache à elle me convainc que je ne suis pas seule dans cette aventure nocturne. Entre le rêve et la réalité, mon esprit vagabonde. Je me sens comme une automate. Un pied devant l’autre : marcher avec des crampons ce n’est pas si sorcier après tout!

La température doit osciller entre 0 et 5 degrés Celsius en cette nuit de février sur le Cayambe. Mon cerveau est vierge de pensées. Toute mon énergie est concentrée sur l’unique fait de respirer. On m’avait conseillé un minimum de 10 respirations conscientes par jour. À date, aucune de mes respirations n’est inconsciente!

Je lève le pied gauche pour activer le prochain pas et… CRAC… je tombe. Sous mes pieds, le vide. On pourrait penser que c’est paisible dans les entrailles d’un volcan éteint, mais, quand on s’y trouve jusqu’à la taille, la panique est omniprésente. Le silence autour de moi est perturbant. Je tente un mouvement et m’enfonce jusqu’au cou. Les cordes sont tendues devant et derrière moi. Mes partenaires de cordée sont immobiles. Je sors mon piolet et le pique violemment dans la glace devant moi en guise d’autosauvetage. Et finalement, je crie. Un cri tribal (on me racontera plus tard). Durant cet appel au secours, mon cerveau n’est plus vierge de pensées. Des images de ma fille, de ma famille et de mes amis défilent… Quelle triste fin!

Je vois enfin apparaitre un ange. Un ange muni d’un harnais qui me tend la main. C’est Michael, le guide en chef. Je sors du trou béant aussi vite que j’y suis entrée et me retrouve sur le ventre, visage contre le glacier. Aucune parole n’est échangée. Je me relève, les jambes chancelantes, les yeux remplis de larmes, de peur et de soulagement à la fois. Et je continue la marche sur cette surface incertaine (j’en suis consciente désormais). Une crevasse fermée, c’est le nom officiel de ce vide qui m’a engloutie à une heure du matin le 4 février 2014, il y a 10 ans. Pourquoi ce silence autour de l’événement? On me l’expliquera le lendemain matin, bien au chaud dans le refuge.

Un amalgame d’angoisse et de réconfort m’accompagnera pour tout le reste de l’ascension qui durera encore sept heures. Angoisse de vivre à nouveau cette expérience traumatisante et réconfort à la seule pensée que ce système de cordée est assurément au point. Au lever du soleil, ma collègue de cordée décide d’abandonner et de redescendre. Je change d’équipe et, à 100 mètres du sommet, mon nouveau guide prend la décision finale : nous devons redescendre, les crevasses deviennent trop risquées. Le Cayambe aura donc été mon réchauffement pour le Cotopaxi, dont j’atteindrai le sommet deux jours plus tard.

C’est évidemment l’histoire que je raconte de prime abord quand je relate ce voyage qui a changé ma vision de la vie et de l’aventure. Mais, au fond, elle ne fait que donner le ton à ce périple équatorien qui restera à jamais gravé dans ma mémoire de dompteuse d’éléments!

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