Créer en temps de pandémie
Des artistes d’ici se confient
Faire une immersion au cœur de la galerie d’art Côté Créations dans le village piétonnier de Tremblant, c’est se permettre de faire une pause du tourbillon dans lequel on est plongé depuis plusieurs mois. C’est dans le cadre d’un échange masqué, mais fort sympathique et empreint d’humanité que quelques artistes ont accepté de partager l’influence de cette pandémie sur leur démarche et leur moral.
C’est presque sur la pointe des pieds que les 17 artistes ont célébré leur première année de cohabitation au sein de la galerie, puisqu’ils ont dû annuler le vernissage prévu le 23 octobre.
« Ça a été difficile de fermer après seulement quelques mois, souligne le propriétaire Yan-Éric Côté, artiste peintre et idéateur du concept qui a démarré à l’automne 2019. J’ai dû négocier avec mes craintes et faire confiance. J’avoue que j’ai eu peur qu’on ne puisse pas rouvrir, mais dès qu’on a eu la chance, on a accueilli à nouveau les gens et on a eu un été vraiment occupé, il y avait souvent une longue file dehors. »
Ce dernier reconnaît qu’il a apprécié cette pause de quelques mois à la maison à Sainte-Agathe pour prendre du temps avec ses enfants et redécouvrir les jeux vidéo avec son fils! Maintenant que la galerie a rouvert ses portes, plusieurs artistes poursuivent leurs tours de garde réguliers pour rencontrer les visiteurs et créer sur place lorsque l’inspiration se fait sentir. Lors de la visite du journal, Yan-Éric était justement en création d’une de ses toiles géantes.
« J’ai la chance de peindre la plupart du temps en plein air alors j’ai pu continuer ma création, malgré tout, à la différence que je choisissais des paysages et des lieux près de chez moi, confie Anne Létourneau, portraitiste et peintre de plein air. J’ai aussi fait de belles rencontres avec des passants intéressés par mon travail. J’avoue que la pandémie m’a tout de même sortie de ma zone de confort et c’est certain que les ventes ont beaucoup diminué avec l’annulation des symposiums et autres événements. La situation m’a aussi inspirée, je pense d’ailleurs à mon œuvre S’en sortir. »
Du côté des portraits, la distanciation a poussé l’artiste de Saint-Faustin-Lac-Carré à faire preuve de créativité.
On ne peut parler de pandémie sans mentionner la vente en ligne, mais des bémols s’installent illico dans les yeux des artistes. « Les vrais collectionneurs sont de réelles bibittes sociales, remarque Yan-Éric. Ils doivent voir et ressentir l’œuvre avant d’acheter et c’est bien normal parce qu’une œuvre émet des vibrations dans toute son unicité. »
La céramiste Evelyne Rivest Savignac renchérit sur la même lancée. « C’est dans l’échange avec le public qu’on peut développer une relation unique et empreinte de sens qui, au final, mène celui-ci à une réelle curiosité et un intérêt pour la poterie. Une pièce confectionnée par un artisan doit se voir, certes, mais se toucher, se saisir, se déposer avec présence pour en être vraiment appréciée et la désirer dans son quotidien. »
Elle admet avoir eu un réel choc de voir son seul événement marchand être annulé à cinq jours d’avis, événement par lequel elle fait la quasi-totalité de ses gains annuels. « Après le choc, ça a été l’onde de choc! Une pause de la vie d’atelier, comme un engourdissement, entre incertitude et inquiétude. Une paralysie de la motivation et de mes aspirations futures. »
Aujourd’hui, alors qu’on demande aux artistes de se réinventer, Evelyne réalise, tout comme ses collègues, qu’elle a beaucoup de compétences à développer et très rapidement: création d’un site Web transactionnel, commande importante de cartons pour l’expédition, intégration d’un espace photo de bon standard, etc.
« Les expositions en ligne ouvrent un nouveau marché, mais c’est selon moi un à côté, pour les collectionneurs qui nous connaissent déjà ou qui ont déjà vu l’œuvre en vrai », ajoute Anne.
En attendant, les artistes ne peuvent qu’espérer que l’intérêt pour des pièces artistiques uniques et réalisées localement se fera sentir dans les temps à venir.
« Nous attendons l’hiver et la saison de glisse avec impatience pour accueillir la clientèle locale et les touristes qui peuvent se déplacer, conclut Yan-Éric, confiant. C’est toujours un plaisir de percevoir les émotions d’un visiteur touché par une œuvre! »
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