Climat toxique dans le monde municipal : une conseillère de La Minerve réagit avec ses collègues
L’annonce de la ministre des Affaires municipales et de l’Habitation (MAMH), Andrée Laforest, soit l’offre de soutien psychologique aux élues municipales et d’une formation en début de mandat, a suscité une réaction mitigée d’une coalition d’élus municipaux de partout au Québec. Elle s’est récemment formée afin de réclamer des actions concrètes pour améliorer le climat et la gouvernance en politique municipale.
Après l’onde de choc créée par la démission de la mairesse de Gatineau la semaine dernière et cette annonce qui coïncide avec la Journée nationale contre l’intimidation, les membres du groupe sont laissés sur leur faim, car l’accumulation d’événements au cours des derniers mois démontre que la démocratie municipale est fragilisée.
« Pour la coalition, ce que la ministre propose est un premier pas, mais il est loin d’être suffisant. Si l’on se concentre seulement sur les services pour aider les élues à traverser des événements difficiles, dont le climat toxique, on ne règle pas le problème à la source et l’on ne convainc certainement pas la relève de s’intéresser à la politique. De plus, les personnes à la source du climat toxique doivent être amenées à changer leur comportement si l’on souhaite vraiment améliorer le climat. La coalition réclame des changements concrets et rapides sur la place publique », lit-on sur le communiqué signé par 8 conseillères municipales.
Des outils à mettre en place
Certains outils et mécanismes seraient assez simples à mettre en place. À l’été 2023, Jasmine Sharma, conseillère municipale à Vaudreuil-Dorion, a mis en œuvre une démarche qui avait d’abord pour objectif de proposer des amendements au Code d’éthique et de déontologie des élu-e-s de sa municipalité, afin d’y inclure un code de civilité. Soucieuse de bien documenter son travail, elle a décidé de créer une table de travail réunissant des élu-e-s, d’ancien-ne-s élu-e-s et des chercheur-euse-s. Les rencontres de ce groupe se sont rapidement transformées en lieu de confession pour des élu-e-s à bout de ressources. Ainsi, à l’automne 2023, madame Sharma a transmis une lettre comptant une trentaine de signatures à la ministre des Affaires municipales et de l’Habitation du Québec, Andrée Laforest, afin de lui brosser un portrait de la situation, mais aussi de réclamer la mise en place d’un chantier sur la civilité dans le monde municipal. La réponse à cette lettre s’est avérée laconique, la ministre ne montrant aucun intérêt pour une rencontre. Une lettre a aussi été transmise cette semaine à la présidente du nouveau comité sur la démocratie municipale de l’UMQ, afin de demander que les membres intéressés de la table de travail et de la coalition soient invités à venir témoigner de leur expérience et à partager des solutions concrètes.
Les sept pistes
La coalition met de l’avant sept pistes de solutions pour améliorer la démocratie municipale : intégrer un code de conduite à même le Code d’éthique et de déontologie des municipalités (une simple définition de « respect » et de « civilité » ne suffit pas); offrir de la formation obligatoire et continue sur le respect, la civilité et la communication inclusive, et éliminer les obstacles financiers et législatifs pour accéder à celle-ci, surtout dans les petites et moyennes municipalités (celles de moins de 20 000 habitants n’ont pas de fonds de soutien et de recherche pour les élu-e-s. Une formation en début de mandat n’est pas suffisante. Aussi, reconnaître les enjeux d’incivilité et de harcèlement selon l’approche de l’INSPQ et de la CNESST (actuellement, c’est la lecture juridique du code d’éthique et de déontologie qui est appliquée, sans tenir compte du vécu de la victime ni des facteurs psychosociaux ou organisationnels).
Autres pistes avancées, le retrait des barrières législatives pour l’accès aux services de médiation offerts par la Commission municipale du Québec (CMQ) (en ce moment, l’accès à ces services nécessite une résolution du conseil municipal); prévoir des mécanismes de gestion de conflit et de gradation des sanctions par une personne indépendante avant de se rendre à la CMQ avec une plainte; créer un poste d’ombudsman pour les élu-e-s afin de les accompagner lors de situations problématiques liées à l’éthique et la déontologie, y compris les problèmes de respect et de civilité et, effectuer une mise à jour des pratiques de gouvernance pour favoriser la diversité, l’équité et l’inclusion des élu-e-s du conseil dans la démocratie municipale.
« Est-ce que les personnes avec des comportements inacceptables seront appelées à obtenir du coaching et de la formation pour changer leurs façons de faire ? Sinon, je crains que cette mesure soit comme un coup d’épée dans l’eau ! »
– Darling Tremblay, conseillère à La Minerve
Pour la coalition, l’heure n’est plus à analyser la situation puisque de nombreuses études ont été réalisées, dont une demandée par le MAMH en 2022. Il est temps de mettre en œuvre des changements concrets et rapides pour assurer la survie de la démocratie municipale, assure la coalition.
Elle compte entreprendre d’autres actions dans les semaines à venir, dont une visite à l’Assemblée nationale du Québec afin de réclamer un engagement du gouvernement pour opérer les changements qui s’imposent.
Jasmine Sharma, conseillère municipale de Vaudreuil-Dorion, termine en ces mots.
« Depuis le début de ma démarche de concertation, j’ai été surprise et peinée de constater que des élu-e-s de partout au Québec souffrent en silence, que des personnes qui se sont engagées en politique pour faire avancer leur communauté sont intimidées ou menacées par des collègues et qu’elles sont victimes d’incivilités répétées. Il n’en fallait pas plus pour décider de se serrer les coudes et de travailler ensemble pour réclamer des changements concrets et rapides. »
Les élues sur le comité sont : Mme Sharma, Mme Tremblay, et Mmes Alicia Despins (conseillère de Québec), Pascale Albernhie-Lahaie (Trois-Rivières), Valérie Léveillé (Chertsey), Jacynthe Pince (Sainte-Thérèse), Isabel Mattioli (Saint-Eustache) et M. Sylvain Pillenière (Lotbinière).
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