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Des questions sur le climat de travail à la Régie incendie des Monts
Surveillance indue, peur, démissions en série: cinq pompiers ont contacté L’info du Nord afin de rapporter une « ambiance de travail toxique » à la Régie incendie des Monts. La direction, le conseil d’administration et le syndicat local croient que ces allégations sont non fondées.
Érik Vallée n’a jamais démissionné de la Régie incendie des Monts (RIDM). Pourtant, le conseil d’administration (CA) lui aurait envoyé une lettre, dont l’objet est… sa démission! En entrevue, le pompier à qui l’on aurait plutôt montré la porte, détaille avec précision le fil des événements ayant mené à son départ. Il ne décolère pas. On s’est débarrassé de lui sans raison valable, ses représentants syndicaux n’ont pas réagi comme ils auraient dû, et on a déguisé son renvoi en démission, affirme-t-il.
Cette histoire pourrait être celle isolée d’un homme. Pourtant, d’anciens collègues ont aussi voulu témoigner de problèmes internes à la Régie. En tout, ils sont cinq à décrire un « climat de travail toxique ». À l’unanimité, ils croient que plusieurs autres souffrent en silence, et qu’on voudra les étiqueter de « chiâleux ». Seul Érik Vallée a accepté que son identité soit révélée. Les autres ont requis l’anonymat, par crainte pour leur emploi, voire leur avenir dans le domaine de l’incendie.
Nous avons demandé au conseil d’administration de la RIDM et à son directeur, Sébastien Lajoie, de réagir aux témoignages que nous présentons. Un représentant syndical local a aussi accepté de nous parler.
« Des gars formés »
« Toutes les personnes à qui vous avez ou allez parler ont une bonne tête sur les épaules: des gars qui sont formés, qui questionnent, qui ont des idées à apporter au service. Sébastien Lajoie [le directeur], lui, il voit ça comme une critique, et il les met de côté », décrit Richard*, un pompier d’expérience qui a décidé de changer d’employeur.
Dans son bureau, le directeur Sébastien Lajoie se dit « extrêmement surpris » par ces accusations. Il explique que ce sont les chefs qui s’adressent aux pompiers: « Je rentre dans mon bureau à 8h le matin et je sors à 5h le soir. Si vous voulez faire un bon article, on va faire un article sur le développement qu’on a fait dans les six dernières années et comment ça va bien ici. »
Selon le directeur, au niveau des ressources humaines, la loi du 80-20 s’applique : 80% des employés sont satisfaits, 10% sont exceptionnels et 10% n’arrivent pas à s’adapter. Ainsi, sur 70 pompiers, il évalue que seulement 5 ou 6 seraient mécontents.
Surveillance
Des caméras de surveillance sont installées partout dans la caserne de Sainte-Agathe. Sébastien Lajoie le reconnait. Elles sont là depuis trois ans et la plupart surveillent les portes. « On a eu des problèmes de vol », dit-il. Le directeur nie observer les faits et gestes des employés, ou encore contrôler à distance les activités en caserne. Il n’a jamais réprimandé un pompier sur la base d’une observation filmée, soutient-il.
Du côté des pompiers rencontrés, on rapporte un inconfortable sentiment d’être observé en permanence. Dans les vestiaires, aire de repos, salle de repas, partout sauf dans les salles de bain, décrit-on.
Selon Yan Boivin, représentant syndical local, ce dossier est à l’étude. Au printemps dernier, un représentant du Syndicat des pompiers et pompières du Québec (SPQ) est venu répondre aux questions des pompiers sur ce sujet, explique-t-il. « S’il y a matière à gagner, on va demander le retrait des caméras », concède Yan Boivin.
« Besoins du grand boss »
Le syndicat local ne représente pas bien ses membres auprès de la direction, dénoncent les intervenants à qui le journal a parlé. « Nos représentants priorisent les besoins du grand boss avant ceux des pompiers », accuse David, un autre pompier démissionnaire. Cette opinion revient à plusieurs reprises, mais on craint d’être identifié si on donne un exemple précis.
« Quand les membres nous parlent de certains problèmes, nous, notre travail c’est d’aller en parler avec la partie patronale pour trouver une solution. Après, s’ils se sont fait chicaner… D’un autre côté, si on n’en parle pas, on nous dira qu’on ne s’occupe pas de leurs besoins », explique Yan Boivin à propos de ce dilemme cornélien.
Érik Vallée considère, lui, que dans la saga entourant son départ, le représentant syndical Yan Boivin ne l’a pas accompagné. Yan Boivin a refusé de répondre à nos questions sur ce cas précis, à la demande du SPQ.
Les pompiers de la RIDM auront une réunion syndicale en novembre, la première depuis le début de la pandémie. Yan Boivin briguera un autre mandat de représentant.
Pousser à la démission
Pour plusieurs, le modus operandi qui mène à la démission d’un pompier est toujours le même. Pascal avance qu’on pousse la personne à démissionner d’elle-même, car si on devait la renvoyer, cela prendrait des motifs. « Si c’est une démission, il n’y a pas de questions », dit-il.
Selon les procès-verbaux de la Régie, 22 embauches et 12 démissions sont survenues entre juin 2020 et juin 2021. « Le taux de roulement à la Régie, c’est incroyable, commente Richard. Ce n’est pas normal qu’il y ait autant de personnes qui partent, et qui partent malheureuses. » Nous avons tenté d’obtenir un avis extérieur sur cette question, mais les personnes consultées ont refusé de commenter ce cas.
Selon le directeur Sébastien Lajoie, les taux de roulement élevés sont chose normale à travers les services incendies du Québec. « À chaque fois qu’on ouvre un concours à Montréal, moi, j’en perds deux ou trois », dit-il. Ensuite, il souligne qu’il n’a « aucune cachette à faire »: toutes les lettres de démission disent que l’expérience à la RIDM est bonne et qu’on la quitte pour des raisons personnelles.
« Les lettres de démission sont sur la table, elles sont présentées au CA, qui peut les lire. » – Sébastien Lajoie, directeur, RIDM
Conseil d’administration
Sébastien Lajoie est directeur de la Régie et participe aussi aux séances du CA à titre de secrétaire-trésorier. Selon Richard, le directeur raconte sa propre vérité au CA. De son côté, Sébastien Lajoie soutient qu’il est normal de porter ces deux chapeaux. Il précise que son rôle de directeur, pendant les séances, est d’informer les administrateurs afin qu’ils puissent décider.
Richard Forget, président de la RIDM, indique que les membres du CA sont au courant de ces allégations, et que c’est Sébastien Lajoie qui les en a informé. « Et elles sont sans fondement, dit-il. M. Lajoie nous a toujours mis au fait de ce qui se passe dans son service et a toujours agi en toute transparence avec le conseil. » À sa connaissance, les pompiers démissionnent pour aller dans un service qui offre un horaire à plein temps. Il soutient que le conseil n’a reçu aucune information de la part des pompiers quant à un problème interne.
Peur de parler
« J’ai remarqué que les gens ont peur de parler, parce qu’ils ont vu ce qui m’arrive à moi ou d’autres pompiers. Ils ne veulent pas se faire réprimander, parce que c’est dur de se trouver une job à temps plein. Les jeunes sont prêts à fermer leur gueule et à ne pas parler, même si ça n’a pas de bon sens », raconte David, pompier démissionnaire.
« On veut que les gens qui ne sont pas dans le monde de l’incendie voient qu’on n’est pas heureux », explique Pascal. Le pire pour certains, c’est qu’en fin de compte, c’est le citoyen qui en paie le prix. Certains diront qu’il n’y a pas de fumée sans feu.
*Le prénom des témoins a été changé afin de conserver leur anonymat.
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