Coopératives d’habitation | Remettre l’humain au cœur de sa communauté
Depuis peu, la communauté de Val-David se mobilise afin de créer de nouveaux logements pour pallier le manque criant de logis à prix raisonnable, dont les citoyens du territoire font les frais. Tour de piste de deux projets qui suscitent l’engouement en ce moment.
« La Grande Ourse, c’est une constellation qui nous guide dans le ciel. Un peu comme les valeurs qui guident notre projet, qui sont l’engagement, l’écoresponsabilité, le partage, la communication non violente, la confiance et la coopération », affirme Stéphanie Debien-Dubé, vice-présidente de la coopérative d’habitation du même nom. Démarré au printemps 2019 grâce à un petit groupe de citoyennes préoccupées par la gentrification du village, le projet a reçu une subvention de la Société d’habitation du Québec (SHQ) en mars 2021 ainsi que l’appui de la Municipalité. Prochaine étape: trouver un terrain où construire la bâtisse qui abritera 20 logements – des 3 ½, 4 ½ et 5 ½ – destinés aux personnes seules et aux familles à revenu modeste.
Un projet destiné à une clientèle marginale, la coopérative de la Grande Ourse? « Non. Dans un premier temps, les seuils de faible revenu sont plus élevés qu’on pense aujourd’hui (voir l’encadré à la fin du texte). Ensuite, la pauvreté n’est pas juste économique, d’où l’importance des valeurs qui sont imbriquées dans le projet. Il s’agit d’un choix de vie. Le revenu des personnes sera loin d’être le seul critère de sélection des locataires. Nous souhaitons accueillir des gens qui veulent s’impliquer pour la qualité de vie de la communauté et qui sont ouverts à suivre une formation en communication pour favoriser des relations de covoisinage harmonieuses », poursuit celle qui a été formée en travail social.
« Il ne s’agit pas seulement de logements moins chers, mais bien d’un projet structurant aux niveaux économique et social qui vise à développer une communauté d’appartenance. La mobilisation des gens permet de briser l’isolement, d’où l’importance de soutenir l’aspect intergénérationnel. Nous voulons que la coop reflète la société, avec une clientèle (autonome) de tous les âges. En plus des logements, le lieu proposera une aire commune qui permettra le partage de connaissances et d’équipements, comme une cuisine collective ou encore la tenue d’ateliers divers. Moi, par exemple, je suis formée comme enseignante de yoga », explique Stéphanie.
La communauté se mobilise afin de créer de nouveaux logements, tant pour les familles que les personnes seules ou âgées. (Photo Freepik)
Les instigatrices du projet ont été victimes de leur succès, après avoir reçu plus d’une centaine de demandes de partout au Québec. Elles ont donc réduit les critères géographiques de provenance des demandeurs à Val-David et ses environs. Actuellement, 40 personnes (célibataires et membres de familles) composent la liste d’attente, qui est fermée jusqu’à nouvel ordre. 65% des unités seront réservées aux ménages à faible revenu (et bénéficieront d’une aide financière au logement), le 35% restant sera dédié aux personnes à revenu modeste, et 25% d’entre elles pourront être adaptées selon des besoins particuliers, comme des handicaps.
Perte d’autonomie
Les personnes âgées font, quant à elles, face à un défi supplémentaire en matière d’habitation, puisqu’aucune résidence permettant de répondre aux besoins de personnes en perte d’autonomie n’existe en sol valdavidois. Quitter sa communauté devient alors la seule option pour ces gens qui, bien souvent, font partie de ceux qui ont construit le village. Ce constat est le point de départ de la Maison Phoenix, un projet de 24 unités locatives lancé en 2016 qui permettra à ses résidents d’y demeurer jusqu’à la fin de leur vie. Une soixantaine de personnes sont présentement sur la liste d’attente et une campagne de financement est présentement en cours pour ce projet qui doit, lui aussi, trouver son terrain.
Mais répondre aux besoins des ainés ne se limite pas aux soins médicaux et de base, comme l’hygiène. « J’ai reçu plusieurs témoignages au cours de ma carrière de patients qui auraient préféré mourir plutôt que d’aller en CHSLD. Certains demandent même l’aide à mourir pour cette raison. Donner un sens à sa vie, être dans la vie plutôt que de la voir passer, c’est une donnée très concrète. Maison Phoenix est une incroyable opportunité de faire la différence dans la vie des gens. S’impliquer permet de maximiser son autonomie. Les gens ont envie d’un milieu de vie qui sera adaptable à leur réalité et non pas une institution où tu dois cadrer dans une case », explique Alexandre Chouinard, président de Maison Phoenix et médecin de famille.
Suite à une étude de marché réalisée dans le cadre du projet, les aspects intergénérationnel, communautaire et participatif ont été les plus soulevés quant aux souhaits de la population. La résidence sera donc stratégiquement située à proximité du centre du village et favorisera les activités permettant un contact entre les générations. « Garder nos personnes âgées proches de nous, c’est important pour la vigueur du tissu social donc pour tous », conclut le Dr Chouinard.
Qu’est-ce qu’un seuil de faible revenu?
Selon Statistique Canada, un seuil de faible revenu (SFR) correspond à un seuil de revenu en deçà duquel une famille est susceptible de consacrer une part plus importante de son revenu à l’achat de nécessités comme la nourriture, le logement et l’habillement qu’une famille moyenne. Et selon la base la plus récente utilisée pour calculer les SFR, la famille moyenne consacre 43% de son revenu après impôt aux nécessités. Ajoutons à cela que le seuil de faible revenu en 2019 pour une famille de deux adultes et deux enfants correspondait à 50 309$ après impôt, un montant que l’on peut supposer à la hausse depuis l’avènement de la pandémie.
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