Lieu mythique à Val-David
La Butte à Mathieu célèbre ses 60 ans de fondation
Attablé devant un chocolat chaud au Magasin général de Val-David, Gilles Mathieu se confie sur un pan de sa vie qui ramène un lot d’émotions et d’anecdotes. Rencontre avec un homme qui a littéralement changé le visage de tout un village et qui a marqué des générations d’artistes et d’amoureux de la musique, au Québec et ailleurs.
Attablé devant un chocolat chaud au Magasin général de Val-David, Gilles Mathieu se confie sur un pan de sa vie qui ramène un lot d’émotions et d’anecdotes. Rencontre avec un homme qui a littéralement changé le visage de tout un village et qui a marqué des générations d’artistes et d’amoureux de la musique, au Québec et ailleurs.
C’est en novembre 1959 que Gilles Mathieu, à la mi-vingtaine, ouvre la première boîte à chansons au Québec, au cœur du village de Val-David, alors à des années-lumière du dynamisme qu’on lui connaît aujourd’hui. « J’étais moi-même dans un groupe de folklore et on faisait partie de l’époque Beatnik. On jouait dans les petits cafés montréalais avec nos barbes et nos cheveux longs », souligne celui qui faisait carrière dans le graphisme.
Un pionnier rebelle
Son employeur de l’époque lui conseille rapidement de couper sa tignasse et de laisser tomber ce côté rebelle. Celui que plusieurs décrivent comme un visionnaire n’était pas à un défi près. Il perd son emploi et se consacre corps et âme à ce projet qui le passionne et qui fait boule de neige.
« Au départ, on était installé dans un modeste poulailler et, la première saison, on attirait une cinquantaine de personnes par soir », se souvient l’homme de 86 ans qui partage aujourd’hui sa vie entre Prévost et sa maison gaspésienne. Très vite un 2e et 3e bâtiments ont été nécessaires et d’autres encore se sont ajoutés pour devenir une sorte de village culturel dans un village.
L’artiste Gilles Mathieu ouvre sa première boîte à chansons dans un poulailler en 1950 et rapidement d’autres bâtiments s’ajoutent à l’endroit qui devient un incontournable. (Photo gracieuseté)
Entre 1960 et 1975, parfois jusqu’à 1 000 personnes par soir venaient écouter les chansonniers, poètes ou pièces de théâtre dans la langue de chez nous. Les gens et la jeunesse du Québec venaient de partout, soit par le P’tit Train du Nord, en auto, en autobus ou sur le pouce. Plusieurs touristes ou résidents terminaient leur journée de ski en allant écouter des chansons et échanger dans une atmosphère bouillonnante.
Souvenirs
La Butte à Mathieu est vite devenue un lieu culturel de création, de rassemblement et de diffusion: spectacles de chansonniers, pièces de théâtre, expositions d’artistes de plusieurs disciplines, peintres, sculpteurs, céramistes, poètes, musiciens, etc. « Les hôtels et les gîtes étaient complets et les villageois louaient leur sous-sol aux visiteurs », confie M. Mathieu.
Il relate avec une émotion palpable la visite de Félix Leclerc, un moment marquant. « J’avais vendu 400 billets alors que je n’avais que 200 places! Je l’ai convaincu de faire deux représentations le même soir et il y a avait même des gens assis sur la scène! »
Il se souvient également des spectateurs assis sur l’écurie, des galas de chansonniers, des auditions du samedi après-midi, des compagnies de disques qui passaient faire du recrutement de talent, des joueurs du Canadien qui assistaient au spectacle et séjournaient à La Sapinière, des nombreux passages de Raymond Lévesque qui est devenu un ami. « Au Festival de la chanson de Granby, les artistes de la Butte remportaient les premiers prix », souligne avec fierté M. Mathieu.
Des bâtons dans les roues, M. Mathieu en aura rencontré une panoplie durant la période prolifique de la Butte. De grands changements au niveau du financement de la culture auront raison de son beau projet en 1976, mais il restera par la suite impliqué sur la scène des boîtes à chansons.
Il s’attriste que les chansons d’aujourd’hui ne soient plus ce qu’elles étaient: « Les pièces racontent de moins en moins une histoire et la voix se perd souvent dans le son trop fort des instruments. »
Il salue le projet musical « Le pêcheur de mots » de son fils Mathieu Mathieu qui travaille et crée auprès des enfants depuis plusieurs années. En vue du 100e anniversaire de fondation de Val-David en 2021, plusieurs citoyens souhaitent un lieu d’exposition permanent avec les artefacts et décors authentiques de la Butte, qui sont toujours conservés et en attente.
Pour en savoir plus, consultez le livre « La Butte à Mathieu, un lieu mythique dans l’histoire de la chanson au Québec » de Gilles Mathieu et Sylvain Rivière.
Le saviez-vous?
La Butte à Mathieu a fait connaître les premiers chansonniers du Québec dont certains sont devenus de réelles légendes: de Georges d’Or à Félix Leclerc en passant par Claude Léveillée, Claude Gauthier, Gilles Vigneault, Yvon Deschamps, Robert Charlebois, Renée Claude, Monique Leyrac, Marie-Josée Longchamps, Clémence Desrochers, Pauline Julien et bien d’autres. M. Mathieu a également fait connaître les chansonniers francophones alors populaires en Europe. Entre 1959 et 1976, plusieurs artistes, après un séjour à la Butte, sont venus s’installer à Val-David, ou dans les villages environnants.
Les décors style Butte à Mathieu avec ses nappes à carreaux, ses filets de pêche, antiquités et chandelles sur bouteilles de chianti se sont répercutés comme une traînée de poudre dans les villages du Québec, boîtes à chansons naissantes, cafés étudiants, sous-sols privés. En 1967, alors que M. Mathieu est directeur de La Sablière (qui deviendra en 1970 Le Patriote), il frappe un grand coup en inaugurant le premier théâtre de Sainte-Agathe avec nul autre que Gilles Vigneault. L’artiste qui était passé par la Butte à Mathieu fait donc un retour aux sources et fera alors salle comble!
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