Agence Science-Presse
Aspirine et 7 Up, meilleurs amis du sapin de Noël ? Faux
Un texte de Dominique Wolfshagen — Le Détecteur de rumeurs
Les amateurs de sapins de Noël naturels sont prêts à tout pour passer l’aspirateur le moins souvent possible. Entrent alors en jeu les recettes de blogues ou trucs transmis de bouche à oreille pour prolonger la vie de l’arbre. Ajouter à l’eau du sapin du 7 Up, de l’aspirine ou de l’eau de javel, peut-il réellement ralentir la chute d’aiguilles ? Le Détecteur de rumeurs s’est penché sur l’épineuse question.
L’origine de la rumeur
Certaines de ces astuces ont fait leurs preuves… avec les fleurs coupées ! En effet, l’ajout de diverses substances pour augmenter la longévité des fleurs est utilisé par les fleuristes et a prouvé son efficacité à de multiples reprises en laboratoire. On retrouve par exemple une étude publiée au Sri Lanka en 2000 qui semble démontrer que le 7 Up augmente la floraison et la durée de vie des glaïeuls, alors que l’aspirine permettrait pour sa part aux roses de durer jusqu’à six fois plus longtemps, selon une étude iranienne publiée en 2011.
L’histoire ne dit cependant pas qui a eu en premier l’idée de faire le saut des fleurs coupées à l’arbre de Noël.
Ce qu’en dit la science
Des chercheurs se penchent sur la question depuis plusieurs décennies déjà en testant différentes recettes sur différentes essences de conifères. Chaque fois, sans succès : peu importe l’ingrédient ajouté à l’eau, le sapin perd ses aiguilles aussi rapidement qu’avec l’eau plate — et dans certains cas, les ajouts peuvent même nuire !
Par exemple, cette étude menée en 1991 sur le sapin Fraser, une importante espèce d’arbre de Noël, avait notamment démontré que l’aspirine provoquait une perte massive d’aiguilles et que l’eau de javel affectait la coloration du sapin. C’est ce qu’avait aussi constaté l’équipe de la série télévisée MythBusters, lors d’une émission spéciale sur les mythes de Noël. Parmi les autres substances testées par l’équipe, l’engrais avait grandement accéléré la chute des aiguilles.
De plus, certaines espèces vont démontrer de grandes variations entre différents arbres pourtant traités de la même façon, indique Mason MacDonald, enseignant à l’Université Dalhousie, en Nouvelle-Écosse. « Avec le sapin baumier, par exemple, c’est vraiment une loterie. Vous pourriez aller en acheter un qui perdra ses aiguilles en deux semaines, alors qu’un autre acheté au même endroit les conservera six ou sept semaines », illustre-t-il.
Mason MacDonald sait de quoi il parle : il a étudié cette variété de conifères de 2007 à 2017 pour ses études doctorales et postdoctorales. Ses travaux portant justement sur la perte d’aiguilles chez les arbres de Noël, s’inscrivaient dans un programme de recherche appelé The Atlantic Christmas Tree.
Même s’il tentait de déterminer les mécanismes impliqués dans la perte d’aiguilles, il avait aussi testé des ajouts (aspirine, boisson gazeuse, sucre et eau de javel), puisque certains présentaient un raisonnement scientifique plausible. Par exemple, le sucre pur ou celui contenu dans le 7 Up auraient pu être bénéfiques pour l’arbre, sauf qu’en pratique, cela favorisait plutôt un développement bactérien qui bouchait le tronc, empêchant le sapin de s’hydrater. L’eau de javel, parce qu’elle est mortelle pour les bactéries, semblait une bonne option, mais la substance nuisait à la santé de l’arbre. Bref, aucun des ajouts n’apportait de bénéfice notable. Il fallait donc chercher ailleurs.
Les chercheurs ont alors mis le doigt sur le principal responsable régissant la perte des aiguilles : l’éthylène, la même hormone végétale qui est impliquée dans le mûrissement des bananes et de plusieurs autres fruits. Ils ont découvert qu’en freinant la production de cette molécule ou en empêchant le sapin de la détecter, la chute des aiguilles était efficacement retardée. Autrement dit, mieux vaut prendre son sapin pour une banane que pour une fleur !
Des partenaires industriels travailleraient actuellement à traduire cette découverte en application commerciale, soit un additif qui pourrait être ajouté à l’eau du sapin.
Les vraies astuces
S’assurer que le sapin soit toujours en mesure d’absorber de l’eau reste le facteur-clef, explique Jimmy Downey, président de l’Association des producteurs d’arbres de Noël du Québec.
À cette fin, la première chose à faire, est une nouvelle coupe « d’environ un ou deux pouces sur le tronc avant de le mettre dans l’eau pour la première fois », avertit M. Downey. C’est que, dans les heures suivant l’abattage de l’arbre, de l’air s’insère dans le bois exposé et bloque son système vasculaire, réduisant ainsi grandement la capacité du sapin à absorber l’eau.
L’autre chose est de s’assurer que la base du sapin soit toujours immergée. Il faut particulièrement faire attention le premier jour, où l’arbre peut « boire » de quatre à six litres d’eau. Les réservoirs trop petits (moins de quatre litres) sont aussi à éviter, car le moindre manquement ou retard dans l’arrosage fera sécher le tronc. « Il faudrait alors faire une nouvelle coupe, mais c’est impossible quand l’arbre est décoré ! »
Verdict
La perte des aiguilles du sapin est due à la déshydratation et à la présence d’éthylène. En attendant un éventuel produit s’attaquant à la vilaine molécule, mieux vaut se contenter d’arroser généreusement le sapin d’eau du robinet… et rien d’autre !
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